IIEG
12 octobre 2025

France : la République au bord du gouffre ?

Palais Bourbon à Paris sous un ciel orageux, symbole de la crise politique et institutionnelle en France sous la Ve République.
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Khaled Hamadé

Président de l'Institut International d'Études Géopolitiques

France : la République au bord du gouffre ? Quand la politique l’emporte sur la raison d’État

Une République fragilisée

La France traverse aujourd’hui l’une des crises les plus graves de la Ve République.

Institutions affaiblies, fractures sociales, divisions politiques : autant de signaux qui montrent que la cohésion nationale vacille.

Comme le souligne Khaled Hamadé, Président de l’IIEG :

« Nous assistons à un délitement progressif de l’autorité de l’État qui pourrait conduire à des conséquences irréversibles pour la stabilité de notre République. »

La raison d’État, conçue pour transcender les clivages partisans, semble aujourd’hui étouffée par les calculs électoraux et les ambitions personnelles.

La fragmentation politique : une instabilité chronique

Depuis une décennie, le clivage gauche-droite a cédé la place à une tripolarisation durable :

  • Une gauche sociale et écologiste,
  • Un centre libéral pro-européen,
  • Une droite souverainiste et identitaire.

Cette configuration empêche désormais toute majorité stable. Depuis 2017, et surtout après les législatives de 2024, la France connaît une gouvernabilité impossible : dissolutions à répétition, gouvernements éphémères, motions de censure.

Comme l’a observé le politologue Pascal Perrineau, l’année 2024 restera celle de « l’instabilité permanente », avec quatre gouvernements en un an

Un État affaibli et isolé

La crise est aussi économique.

La dette publique atteint 113 % du PIB, et le déficit s’élève à 5,8 % en 2024. Ces chiffres réduisent drastiquement les marges de manœuvre budgétaires, compromettant la capacité de l’État à investir dans l’avenir.

La crise est également diplomatique. La France, longtemps promotrice de l’autonomie stratégique, semble de plus en plus alignée sur Washington.

Cette orientation a contribué à isoler Paris, notamment face à la Russie, et à fragiliser son rôle traditionnel de puissance d’équilibre en Europe.

Une société sous tension

Les Français subissent de plein fouet la hausse du coût de la vie et la crise du logement, avec plus de deux millions de demandes insatisfaites.

Le baromètre du CEVIPOF confirme la défiance citoyenne : seuls 27 % font confiance au Premier ministre et à peine 16 % au Président de la République.

Dans le même temps, les débats sur l’immigration et le communautarisme exacerbent le sentiment d’insécurité culturelle et identitaire, accentuant les fractures sociales.

La société française est épuisée et ne croit plus aux promesses politiques.

Le spectre d’un effondrement institutionnel

La concentration du pouvoir entre les mains du Président, qualifiée d’hyperprésidentialisme, fragilise désormais le système qu’elle devait protéger.

La dissolution de l’Assemblée nationale, présentée comme une solution, risque au contraire d’accentuer l’instabilité.

De plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer une réforme en profondeur des institutions, voire une VIe République.

Pour un sursaut national

Face à ces périls, des réponses existent.

  • Un gouvernement d’union nationale temporaire pour restaurer la primauté de l’État.
  • Une réforme du mode de scrutin intégrant une dose de proportionnelle pour favoriser des coalitions stables.
  • Une indépendance diplomatique réaffirmée, en redéfinissant la place de la France au sein de l’OTAN et en dialoguant avec toutes les puissances.
  • Un plan d’urgence sociale, incluant le logement et le pouvoir d’achat.
  • Des États généraux de la République, pour donner aux citoyens l’occasion de repenser le cadre institutionnel.

Ces mesures viseraient à reconstruire la confiance entre gouvernants et gouvernés, et à réaffirmer la continuité de l’État, condition de toute démocratie stable.

Conclusion : une « certaine idée de la France » à réinventer

La France n’est pas condamnée. Mais elle se trouve à un tournant historique.

Deux voies s’offrent à elle : renouer avec l’esprit républicain, ou s’enfoncer dans une spirale de défiance et de désordre.

Le général de Gaulle parlait d’« une certaine idée de la France ». Cette idée, qui transcende les intérêts particuliers, doit redevenir le moteur de notre avenir collectif.

Retrouver le sens du service public, revaloriser la fonction politique comme devoir moral, et restaurer la parole de l’État sont autant de conditions d’un redressement durable.

La République ne se sauvera pas par des discours, mais par une refondation lucide de son contrat social et institutionnel.

Plus que jamais, le sursaut national apparaît comme une nécessité vitale pour préserver la démocratie, la souveraineté et l’unité du pays.

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