Liban : au bord du précipice géopolitique, entre pressions extérieures et crises internes
Le Liban n’a jamais été aussi proche d’un point de rupture. Entre pressions extérieures, crises internes et ambitions régionales, le pays du Cèdre se retrouve au centre d’un jeu géopolitique complexe, où il n’est plus un véritable acteur, mais un terrain sur lequel d’autres puissances avancent leurs pions. La menace d’une nouvelle guerre civile, potentiellement plus dévastatrice que celle de 1975-1990, plane sur le pays.
Un étau géopolitique qui se resserre
Les capitales occidentales exigent un désarmement rapide du Hezbollah, sans pour autant aborder la cause profonde de son influence : son ancrage stratégique dans l’orbite iranienne. Israël, bénéficiant d’un soutien implicite, maintient une pression militaire constante, prêt à frapper ses cibles dans le Sud-Liban comme dans la plaine de la Békaa.
Face à cette pression, Téhéran considère le Liban comme un élément central de son dispositif régional. Pour l’Iran, céder sur ce front reviendrait à affaiblir sa position dans l’ensemble du Moyen-Orient. Dans cette partie d’échecs régionale, le Liban est perçu comme une pièce sacrifiable, non comme un joueur à part entière.
Les ombres persistantes de Damas et Ankara
L’instabilité prolongée du Liban ravive les appétits anciens. Damas n’a jamais renoncé à son influence sur le pays, forgée par des décennies de tutelle et d’ingérences politiques. Ankara, plus discrète mais stratégiquement active, cherche à accroître sa présence en Méditerranée orientale, exploitant chaque faille dans l’architecture politique libanaise.
Chaque crise interne devient ainsi une opportunité pour les puissances régionales de renforcer leur influence, au détriment de la stabilité nationale. La faiblesse structurelle de l’État libanais constitue un appel d’air pour ces ambitions extérieures.
L’Histoire comme avertissement
Le conflit libanais de 1975-1990 a laissé des cicatrices profondes dans la société et l’économie. Mais un nouveau conflit ne serait pas une simple répétition : il entraînerait une fragmentation encore plus radicale, affaiblissant les dernières bases de cohésion nationale. L’Histoire montre que ce ne sont pas les peuples qui déclenchent les guerres, mais ceux qui espèrent en tirer profit. Dans le cas libanais, ils sont nombreux, et leurs moyens d’action sont redoutables.
Une voie étroite pour éviter l’effondrement
Ignorer l’Iran dans l’équation libanaise serait une erreur stratégique majeure. La seule approche réaliste passe par un dialogue discret mais concret avec Téhéran, afin de négocier un désarmement progressif et maîtrisé du Hezbollah. Cette voie n’est pas synonyme de capitulation, mais de réalisme diplomatique pour éviter que le pays ne devienne un champ de bataille par procuration.
En parallèle, l’unité nationale doit redevenir une priorité. Président, Premier ministre et armée doivent parler d’une seule voix, non pour satisfaire les attentes des grandes puissances, mais pour préserver la paix intérieure. Sans cohésion interne, aucune stratégie extérieure ne pourra protéger le Liban.
Le Liban ne peut se permettre l’orgueil
Carrefour de civilisations depuis plus de 6 000 ans, le Liban a survécu grâce à sa résilience et à sa capacité de réinvention. Mais aujourd’hui, le pays n’a plus le luxe des postures idéologiques ou des querelles internes. L’enjeu n’est pas seulement d’éviter la guerre : il s’agit de préserver l’identité plurielle du pays et son rôle historique dans la région, de Beyrouth à Tripoli, du Mont-Liban à la plaine de la Bekaa.
Un réalisme lucide comme plan de survie
Le salut du Liban exige un réalisme lucide :
Reconnaître les vérités géopolitiques actuelles.
Dialoguer avec tous les acteurs, y compris ceux qui dérangent.
Protéger coûte que coûte l’unité interne et la souveraineté.
Refuser ce réalisme, c’est risquer de transformer le pays en victime collatérale d’un conflit qu’il n’a pas choisi. Préserver le Liban, c’est aussi préserver un joyau civilisationnel unique au monde, un espace où coexistent des communautés, des cultures et des histoires entremêlées.