COP30 : Un tournant décisif pour l’action et la gouvernance climatiques
La 30ème Conférence des Parties (COP30) à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), qui se tiendra du 10 au 21 novembre 2025 à Belém, au Brésil, représente bien plus qu’une simple échéance dans l’agenda diplomatique international.
Par sa localisation symbolique aux portes de l’Amazonie, poumon vital de la planète et réservoir majeur de biodiversité, cette conférence est un appel pressant à une action climatique refondée, ambitieuse et équitable.
Dans un contexte de crises géopolitiques multiples, d’érosion du multilatéralisme et de montée des périls climatiques, la COP30 constitue un test de vérité pour la crédibilité de l’Accord de Paris et la capacité de la communauté internationale à transformer ses engagements en actions concrètes.
Le pôle Développement Durable Nexus de l’IIEG livre ici son analyse des enjeux et formule des propositions pour faire de ce sommet un succès tangible, en plaçant la préservation des forêts au cœur de la solution.
Un multilatéralisme climatique à l’épreuve des crises
La COP30 s’ouvre dans un climat de défiance. Les tensions géopolitiques, exacerbées par les conflits et une concurrence économique agressive, ont relégué l’urgence climatique au second plan des priorités politiques [1].
L’architecture de la gouvernance climatique, conçue pour la coopération, est devenue une arène de rivalités, sapant la confiance et ralentissant la mise en œuvre des engagements.
Cette érosion du multilatéralisme se manifeste à plusieurs niveaux cruciaux pour le succès de la conférence.
L’ambition au point mort :
Le défi des Contributions Déterminées au niveau National (NDC)
L’enjeu principal de la COP30 est la soumission de la troisième génération de Contributions Déterminées au niveau National (NDC 3.0), qui doivent définir les efforts de réduction d’émissions des pays à l’horizon 2035.
Ces plans d’action sont le cœur du mécanisme de rehaussement progressif de l’ambition de l’Accord de Paris.
Or, le constat est alarmant : à l’approche de l’échéance, une majorité de pays, y compris certains des plus grands émetteurs du G20, n’ont pas soumis de contributions alignées sur une trajectoire de 1,5°C [2].
Le rapport de synthèse de la CCNUCC indique que les engagements actuels, même s’ils étaient pleinement mis en œuvre, nous mèneraient vers un réchauffement catastrophique de près de 3°C d’ici 2100 [1].
Ce déficit d’ambition n’est pas seulement un échec technique ; il est le symptôme d’une crise politique profonde où les intérêts nationaux à court terme et la polarisation politique interne priment sur la responsabilité collective.
Le mur du financement
Le deuxième pilier chancelant est celui du financement climatique. La COP30 doit voir l’adoption d’un Nouvel Objectif Collectif Quantifié (NCQG) pour remplacer l’objectif de 100 milliards de dollars par an, qui n’a jamais été pleinement atteint ni suffisant.
Les besoins sont immenses, estimés à plusieurs milliers de milliards de dollars par an.
Les négociations butent sur le montant, les sources (publiques, privées), la répartition entre atténuation et adaptation, et les conditions d’accès pour les pays en développement.
Sans un accord ambitieux et crédible sur le NCQG, les pays du Sud n’auront ni les moyens ni la confiance nécessaires pour accélérer leur transition, creusant davantage la fracture Nord-Sud.
Enjeu de la COP30
État des lieux (Novembre 2025)
NDC 3.0
Troisième cycle d’engagements climatiques nationaux (horizon 2035).
Majorité des pays en retard ; ambition globale très insuffisante pour l’objectif de 1,5°C.
Financement (NCQG)
Nouvel objectif de financement climat post-2025.
Négociations difficiles sur le montant (objectif de 1 300 Md$/an évoqué) et les modalités.
Bilan Mondial
Le premier bilan (GST) a conclu à un déficit majeur d’action et d’ambition.
Les NDC 3.0 doivent intégrer les conclusions du GST, notamment la sortie des énergies fossiles.
Adaptation & Pertes Opérationnalisation du cadre pour l’Objectif Global d’Adaptation et financement du fonds pour les Pertes et Préjudices.
Manque de financements dédiés et de métriques claires pour l’adaptation.
L’impératif forestier :
De la crise aux propositions concrètes
face à cette gouvernance climatique en crise, la thématique des forêts, mise en avant par la présidence brésilienne, offre une opportunité unique de réaligner les discours et les actions.
Les forêts ne sont pas une simple composante de la solution climatique ; elles en sont une condition sine qua non. Elles absorbent près de 16 milliards de tonnes de CO2 par an et abritent 80% de la biodiversité terrestre [3].
Pourtant, la crise forestière mondiale s’aggrave.
En 2024, le monde a perdu 8,1 millions d’hectares de forêts, un chiffre en augmentation et 63% supérieur à la trajectoire requise pour atteindre l’objectif de zéro déforestation en 2030 [4].
Les subventions néfastes à l’agriculture et autres industries destructrices dépassent de plus de 200 fois les financements verts pour la protection des forêts [4].
Cette hémorragie, si elle n’est pas stoppée, rendra vains tous les autres efforts de décarbonation.
L’initiative phare de la COP30, le “Tropical Forests Forever Facility” (TFFF), lancée par le Brésil, vise précisément à inverser cette logique économique destructrice.
En cherchant à mobiliser 125 milliards de dollars pour rémunérer les pays qui protègent leurs forêts, ce fonds représente un changement de paradigme [5].
Fort de ce constat, le pôle Développement Durable Nexus de l’IIEG avance quatre propositions concrètes pour faire de la COP30 un tournant pour les forêts et le climat :
Consolider et universaliser le “Tropical Forests Forever Facility” (TFFF) Le TFFF est une avancée majeure, mais son succès dépend d’un engagement financier rapide et massif.
Proposition :
Nous appelons les pays du G20, en particulier ceux qui n’ont pas encore contribué, à s’engager à hauteur d’au moins 50% de l’objectif de 25 milliards de dollars de fonds d’amorçage avant la fin de la COP30.
Il est impératif d’établir une gouvernance transparente pour le fonds, co-pilotée par les pays donateurs et les pays forestiers, avec une représentation forte de la société civile et des peuples autochtones pour garantir une allocation équitable et efficace des ressources.
Intégrer des objectifs forestiers contraignants et vérifiables dans les NDC 3.0
Les forêts sont souvent le parent pauvre des contributions nationales.
Proposition :
L’IIEG propose le développement, sous l’égide de la CCNUCC, d’un module standardisé et obligatoire pour les NDC 3.0, dédié à la protection et à la restauration des forêts.
Ce module devrait inclure des objectifs quantifiés (ex: réduction de X% de la déforestation brute d’ici 2035), des indicateurs de suivi basés sur des données satellitaires harmonisées, et un plan de financement associé, liant directement les objectifs forestiers aux stratégies climatiques nationales.
Sanctuariser le rôle et les droits des communautés autochtones et locales
Les communautés autochtones et locales sont les gardiens les plus efficaces des forêts, protégeant 80% de la biodiversité mondiale sur seulement 25% des terres [6].
Le TFFF prévoit de leur allouer 20% des fonds, ce qui est un premier pas.
Proposition :
Nous recommandons la création de mécanismes de financement direct qui contournent les lourdeurs administratives nationales pour acheminer les fonds vers les communautés.
Parallèlement, la COP30 doit catalyser un mouvement mondial pour la sécurisation juridique de leurs terres et territoires, condition sine qua non de leur action de protection.
L’objectif devrait être de doubler la part des financements climatiques qui leur parviennent directement d’ici 2030.
Réformer en profondeur les marchés carbone forestiers (Article 6 et REDD+)
Les mécanismes de crédits carbone forestiers, comme REDD+, ont été minés par des scandales de “greenwashing” et un manque d’intégrité environnementale [7].
L’Article 6 de l’Accord de Paris offre une chance de repartir sur des bases saines.
Proposition :
L’IIEG appelle à l’adoption à la COP30 de règles strictes pour les crédits carbone forestiers sous
l’Article 6, garantissant :
L’additionnalité et la permanence des réductions d’émissions ; l’absence de double comptage ; des lignes de base de déforestation conservatrices et scientifiquement validées ; et un partage juste et équitable des revenus avec les gouvernements et les communautés locales.
Tout crédit ne respectant pas ces critères doit être exclu des marchés de conformité.
De la recherche à l’action :
L’expertise de l’IIEG incarnée par Yann FORTUNATO CEO de Racines de France.
Au-delà de l’analyse et des recommandations politiques, le pôle Nexus de l’IIEG s’engage à promouvoir et à s’inspirer de solutions concrètes émanant du terrain.
L’action des chercheurs affiliés à notre institut illustre cette transition de la théorie à la pratique.
Un exemple probant est celui de Yann Fortunato, conseil forestier et dirigeant de Racines de France, une entreprise à mission qui incarne la nouvelle économie forestière que nous appelons de nos vœux [8].
Partant du principe qu’« un arbre vivant doit avoir plus de valeur qu’un arbre coupé », Yann Fortunato et ses équipes développent des modèles sylvicoles et agroforestiers qui régénèrent les écosystèmes tout en créant une valeur économique durable.
Cette approche holistique est mise en œuvre à travers des démonstrateurs, véritables laboratoires à ciel ouvert suivis par le monde scientifique
Le projet « Les Arches Castriotes », situé en France à Castries près de Montpellier (34), en est une parfaite illustration.
Sur une ancienne friche viticole de 5 hectares, plus de 2000 arbres de 36 essences différentes ont été plantés pour créer un écosystème agroforestier résilient, captant du carbone, restaurant la biodiversité, la santé des sols et le cycle de l’eau [9]. L’initiative porte une vision d’économie régénérative de territoires au bénéfice de la résolution du besoin d’autonomie nutritionnelle et de santé globale.
Cette initiative, qui s’inscrit dans un écosystème d’acteurs incluant des partenaires scientifiques et des organisations de premier plan démontre par la preuve qu’une gestion forestière et agroforestière innovante est non seulement possible, mais également souhaitable.
Puisque l’agriculture est responsable de 80 % de la déforestation mondiale, il convient de proposer des modèles protecteurs des forêts mondiales résiduelles mais aussi des propositions inspirantes pour renouer des liens forts entre la présence de l’arbre dans les territoires et les agricultures. Le déploiement de l’agroforesterie dont Les Arches Castriotes par la voie de Yann FORTUNATO sont un exemple inspirant dans le monde.
Elle constitue un modèle inspirant, reproductible à plus grande échelle, qui peut guider les investissements et les politiques publiques que la COP30 doit catalyser.
Perspectives
La COP30 à Belém ne peut se permettre d’être une nouvelle étape dans la “géopolitique de la procrastination climatique”.
L’urgence écologique, couplée à la crise de la gouvernance mondiale, exige une rupture.
En se focalisant sur des actions tangibles et financées pour les forêts, la communauté internationale peut non seulement s’attaquer à une source massive d’émissions et de perte de biodiversité, mais aussi reconstruire la confiance dans le processus multilatéral.
Le succès de Belém ne se mesurera pas à la longueur de ses déclarations finales, mais à la solidité des engagements financiers pour le TFFF, à l’ambition des objectifs forestiers dans les NDC, et à la reconnaissance effective du rôle des gardiens de la forêt.
C’est à cette aune que l’histoire jugera si la COP30 fut un mirage de plus dans le désert de l’inaction, ou le début d’une véritable bifurcation écologique.
Références
[1] Institut Montaigne. (2025). COP30 : le multilatéralisme sur la corde raide. https://www.institutmontaigne.org/expressions/cop30-le-multilateralisme-sur-la-corde-raide
[2] CITEPA. (2025). Notre guide des négociations pour mieux comprendre la COP-30. https://www.citepa.org/guide-du-citepa-des-enjeux-de-la-cop-30-lessentiel-pour-comprendre-le-contexte-des-negociations/
[3] Woodwell Climate Research Center. (2024). Global forest carbon storage, explained. https://www.woodwellclimate.org/global-forest-carbon-storage-explained/
[4] Forest Declaration Assessment. (2025). Forest Declaration Assessment 2025. https://forestdeclaration.org/resources/forest-declaration-assessment-2025/
[5] UN News. (2025). New Brazil-led fund aims to put forest protection at the heart of climate action. https://news.un.org/en/story/2025/11/1166290
[6] The Guardian. (2025). How could Tropical Forest Forever fund proposed at Cop30 tackle deforestation?. https://www.theguardian.com/environment/2025/nov/06/tropical-forest-forever-fund-proposed-cop30-tackle-climate-change
[7] WeDemain. (2025). COP30 : le Brésil peut-il sauver les forêts sans greenwashing. https://www.wedemain.fr/sauver-la-planete/actions-ecologiques/cop30-le-bresil-peut-il-sauver-les-forets-sans-greenwashing-1142537
[8] Racines de France. (2025). Accueil. https://www.racinesdefrance.com/
[9] Racines de France. (2025). Les Arches Castriotes. https://www.racinesdefrance.com/project/les-arches-castriotes/






