IIEG
23 novembre 2025

La forêt, berceau de l’eau: un appel à l’action post-COP30

“Vue aérienne d’une forêt tropicale dense avec de la brume d’évapotranspiration s’élevant au-dessus de la canopée, illustrant le rôle des arbres dans le cycle de l’eau.”
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Yan Fortunato

Vice-Président Europe, Institut International d’Études Géopolitiques (IIEG) CEO Racines de France

La forêt, berceau de l’eau et clé de notre avenir : un appel à l’action post-COP30

Par Yann Fortunato Vice-Président Europe, Institut International d’Études Géopolitiques (IIEG) CEO, Racines de France

« Le monde doit comprendre que chaque arbre abattu est une source d’eau qui se tarit, une pluie qui ne tombera plus, un avenir qui s’assèche. Nous n’avons plus le luxe de l’ignorance ni celui de l’attente. L’heure est à l’action, ici et maintenant. »

La 30ème Conférence des Parties (COP30) à Belém, au cœur de l’Amazonie, vient de se conclure. Si des avancées ont été notées, le sentiment qui prédomine est celui d’une urgence non encore pleinement intégrée par la communauté internationale. En tant qu’expert de la forêt et témoin direct des dynamiques à l’œuvre, je souhaite partager une conviction forgée par des années de travail sur le terrain : la solution à nombre de nos crises – climatique, hydrique, alimentaire et même géopolitique – se trouve à l’ombre des arbres. Mais pour cela, nous devons opérer une révolution conceptuelle et économique radicale.

La COP30 : entre lueurs d’espoir et déficit d’ambition

La COP30 a mis les forêts au centre des débats, une reconnaissance tardive mais essentielle de leur rôle. Le lancement du “Tropical Forests Forever Facility” (TFFF) par le Brésil, visant à mobiliser 125 milliards de dollars pour rémunérer la protection des forêts, est une initiative que nous devons saluer et amplifier [1]. C’est un premier pas vers une économie où la préservation devient plus profitable que la destruction. L’engagement d’allouer 20% de ces fonds aux communautés autochtones, gardiennes ancestrales de 80% de la biodiversité mondiale, est également une avancée cruciale [2].

Cependant, ces progrès ne peuvent masquer une réalité sombre. Le rapport de synthèse de la CCNUCC est sans appel : les engagements actuels nous mènent vers un réchauffement catastrophique de près de 3°C [3]. La déforestation continue sa course folle, avec 8,1 millions d’hectares perdus en 2024, un chiffre alarmant qui nous éloigne de l’objectif de zéro déforestation en 2030 [4]. Le paradoxe est tragique : les subventions mondiales aux industries destructrices de forêts sont 200 fois supérieures aux financements alloués à leur protection [4]. Nous ne pouvons plus attendre les COP pour agir. L’heure n’est plus aux déclarations d’intention, mais à l’action immédiate, sur tous les fronts.

Le principe oublié : c’est l’arbre qui donne l’eau

Au cœur de notre aveuglement collectif se trouve l’oubli d’une vérité fondamentale, un principe que la nature nous enseigne et que la science confirme : c’est l’arbre qui donne l’eau, et non l’inverse. Nous avons été conditionnés à voir la pluie comme une source qui alimente la forêt. La réalité est plus complexe et plus belle : la forêt est elle-même une créatrice de pluie. Par le mécanisme de l’évapotranspiration, une forêt mature recycle des quantités colossales d’eau dans l’atmosphère, créant des flux d’humidité qui génèrent des précipitations à des centaines, voire des milliers de kilomètres de distance [5]. Une forêt tropicale peut recycler jusqu’à 70% de l’eau qu’elle reçoit, agissant comme une gigantesque pompe et un régulateur climatique [6].

Couper un arbre, c’est donc bien plus que perdre du bois ou un puits de carbone. C’est briser un maillon essentiel du cycle de l’eau. La déforestation n’est pas seulement une cause du changement climatique, elle en est une conséquence qui s’auto-alimente en asséchant les terres et en menaçant la disponibilité de la ressource la plus vitale : l’eau douce.

De la théorie à l’action : le démonstrateur des Arches Castriotes

Face à ce constat, l’Institut International d’Études Géopolitiques (IIEG), via son pôle Développement Durable, et l’entreprise à mission Racines de France, que je dirige, s’attachent à transformer la théorie en pratique. Notre conviction est que la prise de conscience doit s’incarner dans des modèles concrets, viables et réplicables. C’est l’esprit de notre principe fondateur : “un arbre vivant doit avoir plus de valeur qu’un arbre coupé”.

C’est cette vision qui a donné naissance au projet “Les Arches Castriotes”, près de Montpellier. Sur une ancienne friche viticole de cinq hectares, nous avons planté plus de 2000 arbres de 36 essences différentes pour créer un écosystème agroforestier unique au monde [7]. Ce n’est pas une simple plantation, c’est un laboratoire à ciel ouvert, un démonstrateur scientifique qui prouve qu’il est possible de régénérer les sols, de restaurer la biodiversité et le cycle local de l’eau, de capter massivement du carbone, tout en créant une économie locale et durable.

Ce démonstrateur, exemple vivant de vraies solutions, commence à intéresser des gouvernements de plus en plus conscients des enjeux. Ce modèle, suivi par la communauté scientifique internationale, n’est pas une utopie. Il est une solution tangible, un savoir-faire que nous souhaitons partager et transférer, notamment en Afrique et au Maroc, où les enjeux de l’eau et de la sécurité alimentaire sont particulièrement aigus. Il démontre que l’agroforesterie n’est pas un retour en arrière, mais une agriculture d’avenir, résiliente et performante.

Le “dérisquage” : un impératif pour le monde de l’entreprise

J’adresse aujourd’hui un message direct au monde de l’entreprise, tous secteurs confondus. L’inaction face à la déforestation n’est plus une option. Elle représente un risque systémique pour vos chaînes d’approvisionnement, votre réputation et votre pérennité. Ce risque est estimé à 2,7 trillions de dollars pour les chaînes d’approvisionnement mondiales [8].

Il est temps de passer du concept de “responsabilité sociale” à celui de “dérisquage stratégique”. Il s’agit d’intégrer la nature comme un actif essentiel et la déforestation comme un passif intolérable dans vos bilans. Avec mes équipes, nous travaillons sur des propositions concrètes pour accompagner les entreprises dans cette transition : traçabilité complète des matières premières, investissement dans des projets de régénération comme le nôtre, et adoption de politiques “zéro déforestation” qui soient plus que de simples slogans.

Seulement 3% des entreprises mondiales ont aujourd’hui des politiques robustes et appliquées contre la déforestation [8]. C’est un échec collectif. Nous avons besoin de tout le monde pour inverser la tendance. Les solutions existent, elles sont rentables et porteuses de sens. Il faut le courage de les mettre en œuvre.

La paix par la racine : une mobilisation générale

La COP30 doit être un électrochoc. Mais l’avenir ne se jouera pas uniquement dans les salles de négociation. Il se joue sur le terrain, dans nos territoires, dans nos choix de consommation et d’investissement. Les actions de Racines de France le montrent chaque jour : il est possible de créer de la valeur en régénérant le vivant.

Ne nous y trompons pas : la lutte pour la forêt et pour l’eau est une lutte pour la stabilité et pour la paix. Les guerres de demain seront des guerres de l’eau si nous ne changeons pas de cap. En restaurant les écosystèmes, nous restaurons les conditions d’une prospérité partagée et d’un monde plus juste.

L’heure est à la mobilisation générale et positive. Rejoignez-nous. Plantez, financez, exigez le changement. Faisons de la régénération de la nature le plus grand projet de notre siècle. C’est par les racines que nous construirons la paix.

Références

[1] RTBF. (2025). Rendre la protection des forêts financièrement plus intéressante que leur destruction : le plan du président brésilien Lula face à la déforestation. https://www.rtbf.be/article/rendre-la-protection-des-forets-financierement-plus-interessante-que-leur-destruction-le-plan-du-president-bresilien-lula-face-a-la-deforestation-11632844

[2] IIEG. (2025). COP30 à Belém : Forêts, Financement Climat et Nouveaux Engagements pour une Transition Équitable. https://institugeo.org/articles/cop30-un-tournant-decisif-pour-laction-et-la-gouvernance-climatiques/

[3] Greenpeace. (2025). COP30 : des avancées sur la sortie des énergies fossiles et la protection des forêts, mais il faut aller plus loin. https://www.greenpeace.org/africa/fr/communiques-de-presse/59551/cop30-des-avancees-sur-la-sortie-des-energies-fossiles-et-la-protection-des-forets-mais-il-faut-aller-plus-loin/

[4] Les Echos. (2025). Recul de la déforestation au Brésil : l’arbre qui cache la forêt avant la COP30. https://www.lesechos.fr/monde/ameriques/recul-de-la-deforestation-au-bresil-larbre-qui-cache-la-foret-avant-la-cop30-2196877

[5] ONF. Le pouvoir des arbres : l’évapotranspiration. https://www.onf.fr/vivre-la-foret/%2B/2888::le-pouvoir-des-arbres-levapotranspiration.html

[6] EFI. Quel est le rôle joué par les forêts dans le cycle de l’eau ?. https://efi.int/forestquestions/q7_fr

[7] Racines de France. Les Arches Castriotes. https://www.racinesdefrance.com/project/les-arches-castriotes/

[8] Forbes. (2025). Deforestation: A $2.7 Trillion Corporate Supply Chain Risk. https://www.forbes.com/sites/feliciajackson/2025/05/08/deforestation-a-27-trillion-risk-hiding-in-corporate-supply-chains/

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